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9 mars 2015

L'avortement, c'mon tour.

IVG

En ce moment mon corps a décidé de défier les stats : janvier une maladie auto-immune rare (1 chance sur un million), et février une grossesse sous stérilet en cuivre (0.4% de chance), sachant que ledit stérilet n'a pas bougé d'un putain de iota. Inutile de vous dire que je commence à connaître le système médical comme ma poche, je tutoie les secrétaires et je high five les médecins. Suite à cette découverte de grossesse inopinée, j'ai choisi d'avorter, pour plein de raisons super valables. 

De l'IVG j'en connaissais la législation - merci maman sage-femme - , l'historique, les implications sociologiques, que du conceptuel en un mot. En vrai comment ça se passe j'en avais pas la moindre idée

Ma grossesse, jm'en suis doutée quand j'ai eu un retard de règles de 4 jours. Oui, je suis une horloge suisse, et même si je mettais ce retard sur le compte du chamboulement hormonal causé par mon amie la chimio et compagnie, par acquis de conscience j'ai fait un test pipi. J'ai failli m'étouffer en voyant le prix (7€ le bâtonnet ?! MAIS WHAAT ?!), et j'ai failli m'étouffer une deuxième fois en prenant connaissance du résultat. Un beau [+] qui semblait me narguer sur le tapis de la salle de bain. Il est 17h40, on est jeudi, mon médecin traitant est en vacances pour deux semaines et ma gynéco est blindée jusqu'à fin mars. Autant vous dire que je panique légèrement, que je cours dans mon appartement en agitant les bras, et que mon copain est en mode terrorisé au fond du lit. Je saisis pour la douzième fois mon téléphone portable, et à contre coeur, j'appelle le planning familial le plus proche. Pourquoi à contre coeur ? Parce que dans ma folle jeunesse ils m'ont traumatisée. Je découvrais les joies du sexe, paf une capote qui craque, gloups la pilule du lendemain, merde retard de règles, bwaaah panique et visite au planning familial de ma ville qui m'explique que l'avortement c'est mal, et que je ferai une très bonne maman à 14 ans. J'étais sortie du rendez-vous un peu dubitative, en me disant que, mouais, 14 ans pour avoir un chiard, c'était peut-être un peu tôt, et que ma propre maman allait m'exploser le faciès si je lui ramenais un polichinelle dans le tiroir. Heureusement pour Bibi, c'était cette fois-ci juste un banal retard causé par la pilule du lendemain. Mais passons.

Rendez-vous donc au planning familial le soir-même, où je fais les yeux doux à la ... l'assistante sociale ? La conseillère ? qui me reçoit après la fermeture, afin qu'elle me cale un petit rendez-vous avec un gynéco dans son service le plus vite possible. Elle a fait mieux, une écho le lendemain à l'aube, et une rencontre avec le gynéco trois heures plus tard. J'ai eu envie de l'embrasser sur la bouche. Je me suis retenue, et j'ai effectué un sans-faute dans mes rendez-vous. La meuf exemplaire, gentille, mignonne, polie, intéressée, organisée et tout. Tout aussi exemplaire que mon comportement, ma grossesse, un joli petit embryon tranquillement installé, bien en forme, heureux de vivre quoi. J'ai presque eu l'impression que la soupe de cellule squattant mon utérus me faisait des gros doigt d'honneur à l'écho. Le gynéco m'a retiré mon stérilet lors du rendez-vous, ce qui m'a bien fait chier, vu comme j'ai douillé quand on me l'a installé. Mais non, j'ai eu beau insister, il m'a dit qu'un avortement ça se fait sans stérilet. Bon, accordons quelque crédit aux blouses blanches pour une fois. J'ai aussi insisté pour qu'il ne respecte pas la loi et qu'il oublie cette sombre histoire d' "une semaine de réflexion". Petite pause dans la récit chronologique.

La semaine de réflexion est une putain d'arnaque légale calée entre le premier rendez-vous gynéco/méd traitant, et le deuxième, dans le cadre d'une IVG. Durant cette semaine, tu dois réfléchir à ta vie, ta grossesse, ta mort, les chatons, et être bien sûre en arrivant au deuxième rendez-vous que non, vraiment, le chiard t'en veux pas. Des fois que la première fois t'étais pas décidée. Ah, les femmes, ces êtres inconstants... J'ai rien contre le fait de changer d'avis, de remettre en question sa décision, mais des fois c'est tellement injustifié que cette semaine ressemble plus à une punition qu'à autre chose. Bah ouais, parce que déjà être enceinte c'est pas la joie la plus absolue, t'as souvent des symptômes bien nazes, t'es sur les genoux en permanence, tu peux pas dormir sur le ventre parce que ta poitrine menace d'éclater, t'as la gerbe la moitié du temps, de l'acné, je continue ou je m'arrête ? Et quand t'envisages une IVG, tu la sens passer ta semaine, t'angoisses en comptant tes semaines d'aménorrhée, en te disant "bordeldecouille ça va être tendu du string pour le timing". Donc, maintenant, ça serait peut-être bien de mettre un petit coup de fesse à la loi : c'est pas avec les "avis favorables" concernant la suppression des 7 jours de réflexion de cette andouille de Marisole Touraine qu'on va faire progresser l'accès à l'IVG. 

dafuq lepen

[édit : projet de loi sur la suppression de cette connasse de semaine
voté à l'assemblée le 19.03. Avec son lot de commentaires débiles

Durant cette fabuleuse semaine où j'étais très déçue de ne pas pouvoir dormir sur le ventre à cause de mes seins hypergonfléstendus, j'ai enchaîné les prises de sang quotidiennes et compagnie (oui, c'est relou, mais la grossesse est un facteur potentiellement déclenchant de ma maladie. Yolo), j'ai kiffé moyennement les échographies à base de "oh, mais votre vessie est pas photogénique, on va vous mettre un TUBESUPERLONG dans la techa pour regarder tout ça", et j'ai eu droit à des scènes ultra embarassantes dans les labos d'analyse en tendant mes prescriptions pour les prises de sang. Pour l'anecdote, une des secrétaires médicales, enceinte et couvée par ses collègues, a reçu mon ordonnance, et m'a dit "vous pensez être enceinte?" d'un ton complètement pénétré. J'ai dit que là y avait pas de doute, ce à quoi elle a m'a fait un énorme sourire émail diamant ultra complice "ça se passe bien la grossesse?", "boarf, vous savez, j'avorte bientôt, alors que ça se passe bien ou mal...". Jvous le dis tout de suite, la banane de la secrétaire a vite disparu. #malaise. 

Arrive enfin le jour béni du deuxième rendez-vous. Je suis hyper brieffée, je sais quelle méthode d'avortement je veux - oh oui, l'aspirateur ! - quelle contraception je veux, bref, je suis super au point. Planning familial d'un hosto coolos de Paris, arrivée à la bourre (comme d'hab), me suis perdue dans les couloirs, face to face avec la gynéco, un grand brin de femme toute sèche. Ouais, une branche (ou un phasme), qui m'a fait passer la consultation gynéco la plus chelou de toute ma vie. J'ai d'ailleurs pas vraiment compris pourquoi elle tenait tellement à aller trifouiller dans mes entrailles à coup de spéculum et de lampe spéléo, mais j'ai pas osé me récrier trop vivement, j'aurais peut-être du. Quoi qu'il en soit, après m'avoir gratifiée d'un "ah oui, en effet vous êtes enceinte" (non, sans blague meuf...) et d'un exposé sur les muqueuses, j'ai eu droit au "bon, on prévoit quoi jeune fille ?" Je lui déballe mes excellents arguments pour l'IVG par aspiration, et elle me rétorque : Oui, pas de souci, on prévoit ça pour dans deux semaines?". What?. Neh. Maintenant. "Mais là nous, on vous le fera pas à ce stade de la grossesse, on aime pas quand c'est trop petit." "Maismaismais, légalement je..." "Oui mais non, c'est kiki qui est à l'autre bout du canule hein?!". Bref, j'ai boudé un peu, et voyant que je n'étais pas ultra ravie, elle m'a dit "l'avantage de l'IVG médicamenteuse, c'est que vous pouvez prendre le premier cachet tout à l'heure avec l'infirmière". Bizarrement, je ne m'attendais pas à ça, je pensais que j'allais devoir revenir. C'est une fois la feuille de consentement signée et face à l'nfirmière me tendant les cachets et le verre d'eau dans son bureau, que j'ai un peu paniqué. J'étais sûre de mon choix, mais là, face à ces petits cachets blancs, j'ai eu une drôle de sensation; en prenant ces médicaments, j'allais avorter. Il faut savoir que je suis une fille ultra prévoyante, pragmatique, planificatrice à l'extrême, et que jusqu'à présent j'avais suivi mon plan d'attaque en suivant les rendez-vous, en obéissant aux consignes, en passant des coups de téléphone. Mais là c'était la concrétisation, et ça m'a fait tout drôle. Et j'ai avalé les cachets. 

48h après, j'ai été hospitalisée pour la suite du traitement, encore des cachets, et des anti-douleurs. J'ai eu très mal pendant 20 minutes, sous le regard affolé de mon copain qui me touchait du bout du doigt toutes les 3 minutes pour voir si j'étais encore en vie. Quand l'infirmière est passée me voir, et qu'elle a vu ma tronche (et ma position, roulée en boule dans une couverture au pied du lit), elle m'a filée d'autres anti-douleurs. Le reste s'est bien passé, j'avais mal, mais j'avais repris le dessus, je sautillais un peu partout en blaguant avec ma voisine de chambrée qui revenait du bloc. J'ai dit à l'infirmière qu'y avait des grumeaux qui étaient sortis de ma foufoune, et que, dis, steuplé, jpeux rentrer, j'ai faim. Elle m'a donnée des gâteaux dans l'espoir que je me tienne tranquille. Et finalement j'ai pu rentrer chez moi et me baffrer de pâtisserie. Ca fait 3 jours maintenant, et je me sens bien. J'ai vécu quelque chose d'intéressant, j'ai senti des choses que je ne connaissais pas encore, et je me pose beaucoup de questions sur ce petit amas de cellule que j'ai envoyé dans la cuvette des toilettes. Pourquoi je ne l'ai pas considéré comme un enfant ? Pourquoi la décision a été aussi facile ? Mon côté ultra rationnel le sait, mon côté sociologue de l'extrême me répète en boucle que l'instinct maternel est une construction sociale, mais mon corps a pas l'air d'accord. Mon utérus est visiblement un endroit accueillant et douillet, et j'ai une certaine fierté à me dire "Cool, je peux procréer pépouz". Je crois que finalement c'est cette fierté qui me dérange, car mes aspirations sont davantage de l'ordre "faire du golf sur la lune" que "torcher des cuculs et nettoyer du vomi".

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