Lorsqu'en début d'année dernière j'ai cherché à me renseigner sur cette école/fac, à avoir des avis de l'intérieur et à sortir des discours académiques, j'ai été bien déçue, Google mon ami n'a pas réussi à me sortir de résultats satisfaisants. Donc, au cas où il n'y aurait pas assez de post sur le sujet, je m'y colle.

L'EHESS, c'est quoi ?

Jusqu'en 2006 l'EHESS - Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales - ne s'occupait que des doctorants. Depuis, elle a ouvert ses portes aux étudiants de Master (M1 et M2) et c'est de ces pauvres petits choux dont je vais parler. L'EHESS, c'est de la recherche. Pas de professionnalisation en vue, là-bas tu vis recherche, tu manges recherche, tu dors recherche. Malgré son titre d'école, l'EHESS suit le cursus fac habituel, avec les ECTS et tout le tintouin. La grande différence avec les autres facs, c'est que vous n'êtes pas cantonné à votre mention : si vous vous inscrivez en histoire, rien ne vous empêche de suivre des EC (= cours, séminaires) de musicologie ou d'épistémologie sociale (ô joie, ne ratez pas l'épistémo ._.) C'est ce qui se cache sous le titre qu'elle se donne "d'interdisciplinaire". Suivre des cours en auditeur libre ne pose absolument aucun problème, valider des séminaires qui n'ont strictement aucun rapport avec votre mention ou avec votre sujet de mémoire, c'est OK aussi. On compte à peu près un choix de 1000 séminaires tous domaines confondus chaque année, dont les prof responsables du séminaire et/ou les intervenants ne sont pas n'importe qui (Vigarello, Lebreton, Paugam, etc.)

Comment on y rentre ?

Comme dans tous les Masters, on présente son pré-projet de mémoire par écrit, avec une jolie lettre de motivation. Suivant les mentions, la procédure peut changer un peu : pour certaines on vous demandera de démarcher auprès des directeurs de mémoire possibles afin d'avoir leur promesse de vous prendre sous leur aile. Mais généralement, à l'entrée du M1, on vous en attribue un d'office. Le pré-projet n'a pas besoin d'être en béton armé et ultra abouti, car l'idée à l'EHESS c'est qu'un projet évolue sans cesse, et qu'en M1 on sert un peu à rien. Donc pas de pression. Je n'ai pas la moindre idée des critères de sélection par contre. J'imagine qu'il faut réussir à montrer qu'on a envie, et donner envie en retour.

Je suis accepté, et ensuite ?

Ensuite, il y a une grosse réunion en novembre. Oui, parce qu'à l'EHESS on rentre en novembre, pour laisser aux M2/doctorants tout le début de l'année scolaire pour faire leur terrain. Durant cette réunion, speech du directeur, vous prenez connaissance de votre tuteur (= directeur de mémoire), explication de la feuille pédagogique (= le nombre d'ECTS à valider, les séminaires obligatoires, etc.), présentation des différentes asso (étudiante, aide aux handicapés, blabla.) et apéro. Bah ouais, les apéro c'est cool.

Les modalités d'inscriptions aux différents séminaires sont tellement diverses que je n'en traiterai pas dans le détail. Mais en gros, certains profs demandent à ce qu'on les prévienne de notre présence à leurs cours, d'autres s'en moquent royalement et il vous suffit de vous y pointer et d'émarger durant le cours. Quant à la validation, c'est un peu la même, tout dépend du séminaire, mais en règle générale les professeurs s'en fichent un peu. Ils vous demandent de rendre quelque chose afin de voir si vous avez été un minimum assidu durant le semestre. Par exemple, un de mes illustres profs nous a balancé en début de séminaire "Pour la validation, vous me faites la synthèse d'un article". Et c'est tout ; pas de thématiques particulières, pas d'explications sur ce qu'il entend par "synthèse", ni un nombre de page minimum. C'est démerdez-vous jeunes gens.

A savoir quand même que malgré cette relative liberté, il vaut mieux être assidu en cours : normalement au bout de trois absences vous serez dans l'incapacité de valider le séminaire. De plus, si vous ratez votre M1, le redoublement n'est pas possible, et les notes ne se compensent pas entre elles. Bref, si sur 8 séminaires, vous en avez 1 en dessous de la moyenne, et bien c'est bye bye l'EHESS. Bien sûr, il y a toujours moyen de moyenner avec les profs, pour avoir une chance de rattraper sa note en rendant un autre devoir par exemple. Mais mieux vaut éviter, y a des têtes de cons partout.

Et en vrai, ça se passe comment ?

Là, les avis divergent, je vous donne le mien. Si la Fac n'encadre pas ses étudiants, l'EHESS est encore pire ; face à un tel choix de séminaires, il est parfois difficile de s'orienter sans trop se disperser. Sécher un cours dans lequel on est inscrit ne semble pas porter à conséquence, puisque bien souvent personne ne le remarque - sauf la feuille d'émargement, quasi systématique - et là réside le piège. Les tuteurs pour la plupart sont disponibles, et il est conseillé de les consulter lorsqu'on élabore son emploi du temps de l'année. A ce sujet, il ne faut pas oublier que comme toute structure académique, l'EHESS souffre de conflits internes, et les inimitiés peuvent conduire votre tuteur à vous décourager de suivre tel ou tel cours, car le prof référant et lui ne sont pas en très bons termes. Les secrétariats sont dans l'ensemble bien organisés, et les secrétaires connaissent rapidement les étudiants par leur prénom, ce qui est très agréable. Big up aux deux secrétaires de sociologie qui sont absolument parfaites. Les échanges entre les étudiants sont encouragés, même s'ils ne travaillent pas du tout sur les mêmes choses, la curiosité est érigée comme valeur suprême, avec bien sûr l'esprit critique. Et ce qui est formidable, c'est que l'EHESS tient ses promesses : la possibilité d'assister à tous les cours qui nous chantent - sous réserve qu'ils ne se chevauchent pas - , les profs sont faciles d'accès, et les autres étudiants sont ouverts et tout aussi disposés que vous à discuter de leurs recherches.

Il y a bien sûr des points noirs, comme par exemple les salles de cours qui sont bien souvent trop petites pour permettre à tous les étudiants d'être installés devant une table et sur une chaise. Mais je vous rassure, on s'en accomode très bien. On est jeunes non ? La vie associative étudiante propose de chouettes choses, mais elle est en manque d'effectifs. Bah oui, c'est pas facile de concilier séminaires, vie sociale et recherche/terrain. Autre bémol à ce trop charmant tableau, c'est l'espèce d'ambiance de "flicage" qui règne. Genre, t'es en master, et tu te fais taper sur les doigts parce que tu rates des cours, c'est un peu dur à avaler quand on sort de la fac. Mais d'un autre côté, sans vouloir trop prendre leur défense, cette formation n'est justement pas la fac, on peut même te financer ton terrain à hauteur de 500e (environ) par année (même dès le M1). Donc d'un côté, j'imagine que l'assiduité c'est pour te faire comprendre que t'es pas au club Med. Là où ça pue du cul c'est pour les étudiants qui bossent, y a pas grand chose qui est prévu pour faciliter leur vie à l'EHESS. Néanmoins, le véritable problème c'est les débouchés, beaucoup d'étudiants arrêtent après le Master 2 et peu de dispositifs d'information sont mis en place pour leur donner des idées de boulot : tu fais quoi avec un master de sciences sociales ? L'EHESS, en s'ouvrant aux Masters, ne semble pas avoir pris en compte la dimension de l'insertion sur le marché de l'emploi, même après un doctorat où tout est super bouché. C'est beau de faire de la recherche, mais il faut manger.

En conlusion

J'aime l'EHESS, parce que je peux enfin choisir des cours en fonction de mon intérêt du moment (oh, un séminaire sur les films japonais ? J'achète. Et vous me remettrez un peu d'épistémologie sociale hein.) sans avoir à me battre contre l'administration parce qu'il ne s'agit pas de cours de ma mention. J'ai peu de cours, 2h par jour en moyenne, et ça dépend des semaines, ce qui laisse beaucoup de temps pour les lectures et le travail personnel. Il faut quand même être sacrément autonome si on veut se lancer là-dedans, pas de baby-sitting universitaire ici. Mais la promesse de pouvoir étudier ce qui vous plait, et de choisir le sujet de mémoire - même ultra farfelu - qui vous fait battre le coeur, sans utilitarisme.

Un autre son de cloche ici

L'EHESS

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